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Malel - par Daniel Huard

Malel cherche la lumière

Recueilli par Daniel Huard

Devant « le Saint Sacrement bleu », Malel, « peintre de la lumière », insiste sur sa coopération avec les lissiers de l' « atelier A 3 » (installé à Paris) pour réaliser une tapisserie aussi lumineuse. C'est également avec le précieux concours de Peter Schönwald et Frédérique Bachellerie que Malel a réalisé une tapisserie représentant sept silhouettes autour de l'Eucharistie. Cet hommage aux sept moines de Tibhirine a été reproduit sous forme de cartes à 30 000 exemplaires. Exposée un moment à Versailles, cette tapisserie a été offerte à l'Abbaye de Tamié (Savoie) où les acteurs du film « Des hommes et des dieux » ont effectué une retraite pour s'imprégner de l'atmosphère d'un monastère.

La peinture fait partie de mon histoire

La peinture fait partie de mon histoire. Peintre amateur, mon père m'emmenait dans les salles de vente et les galeries. J'ai baigné dans le milieu artistique dès l'enfance. Dès l'âge de 10 -11 ans, des tableaux anciens ou contemporains, des estampes japonaises, des meubles, des sculptures...faisaient partie de mon univers J'ai pris l'habitude d'aller dans les musées et, très vite, l'envie de dessiner et de créer m'est venue.

J'ai vraiment commencé à peindre vers 20-22 ans après un cycle d'études qui n'avait rien à voir avec l'art. A l'atelier du peintre Mac Avoy, j'ai appris le dessin car c'est l'armature de tout. Ce que l'œil perçoit en trois dimensions, il faut être capable de le traduire avec un crayon noir ou des couleurs, avec des traits appuyés ou des traits hachurés. L'essentiel est de ne pas tricher.

Dés mes débuts, ce qui m'intéressait vraiment, c'était l'être humain. J'ai donc appris à faire des nus. C'est difficile car il faut trouver des modèles et il faut y consacrer du temps. Or, je cours après le temps. Je fais des portraits, des paysages, des vitraux, des tapisseries...

Dans chaque œuvre, je cherche à montrer ce que le Seigneur a mis dans nos vies pour que nous soyons certains de sa présence : les couleurs, la beauté de la nature, la tendresse du couple, la confiance de l'enfant, la paix des amis, les rivières qui purifient, la chaleur du soleil, la lumière qui combat les peurs...

La commande me porte plus loin

L'histoire de la peinture est basée sur la commande. C'est elle qui fait vivre l'altérité. Quand l'artiste est livré à lui-même, il regarde son nombril, parle de lui-même et se dessèche. La commande introduit la présence de l'autre qui libère et ouvre au vaste monde. Cela m'évoque le message du Christ : « Quand vous serez deux ou trois réunis en mon nom, je serai au milieu de vous ». Donc, il est logique que la commande d'un roi, d'un prince, d'un pape, d'une institution, d'une entreprise, d'un particulier... soit à l'origine d'un chef d'œuvre. C'est le cas, parmi beaucoup d'autres, des « Noces de Cana » de Véronèse, du retable d'Issenheim à Colmar, de l'Agneau mystique de Gand ou des nymphéas de Monet.

Personnellement, pour les deux tiers de ma production, je travaille sur commande. Ce fut le cas pour ce tableau de 8 mètres sur 8 mètres « Viens à moi, je t'aime » conçu à l'église de la Trinité à la demande de Mgr Dominique Rey. Il voulait que j'évoque le « cœur à cœur » de Jésus en partant des apparitions de Paray-le-Monial. C'est une œuvre qui doit redonner confiance.

Comment aurais-je pu avoir l'idée de faire un tableau aussi grand ? C'est grâce à la commande que je rencontre quelqu'un qui va me porter plus loin. Après avoir exprimé ce qu'il souhaitait, Mgr Rey est venu prier pendant que je peignais à l'église de la Trinité. Nous avons examiné ensemble les dizaines de dessins préparatoires. Avec sa communauté, il a fait un choix qui, au départ, n'était pas le mien. Si j'avais été seul, je n'aurais pas parcouru le même chemin.

Dans son atelier parisien encombré de tableaux, Malel nous parle de son art et de sa foi.

L'auteur de la commande influence l'artiste tout autant que le thème retenu. Si je devais travailler sur le handicap, je ne ferais pas le même tableau selon que la commande émanerait de Jean Vannier, fondateur de « Foi et Lumière », ou de l'Institut Curie, parce qu'ils exprimeraient une attente différente

Artiste porteur d'espoir

A mes débuts, je ne peignais pas de sujets religieux mais, chez moi, la peinture et la foi ont toujours coexisté. J'ai toujours eu la foi et, sans être illuminé, je n'ai pas connu de crise de l'adolescence. Je m'en suis toujours tenu à une attitude réaliste : ce que des milliards d'hommes ont cru avant moi depuis plus de 2000 ans, je ferais mieux de ne pas le rejeter d'emblée.



Je ne fais pas de différence entre œuvres sacrées et profanes. Pour moi, elles forment un tout. Que je représente le Saint Sacrement avec l'ostensoir ou un couple en marche, il s'agit de montrer l'Amour. Lorsque je peins un enfant endormi, je veux montrer l'innocence, la confiance et j'entends en moi résonner les paroles du Christ : « Soyez comme des enfants ».

Dans mes toiles, il y a toujours une quête de lumière. Selon moi, le rôle de l'artiste est d'être porteur d'espoir. Je vis donc très bien mon engagement chrétien et mon travail d'artiste. Je ne fais pas partie des artistes qui cultivent la mort, la souffrance, l'errance et la destruction.

Lors d'une préparation au mariage, il est beaucoup question d'amour, de tendresse, de maternité... On ne commence pas par évoquer la question du divorce. De même, ce n'est pas en cultivant le doute que je peux apporter de la joie. Je préfère dire dans mes tableaux : « Ayez confiance. Ne broyez pas du noir toute la journée. Voyez comme la vie est belle ».

Une tapisserie en hommage aux moines de Tibhirine

C'est en 1999, lors d'un dîner, que la nécessité de réaliser une tapisserie s'est imposée. Il y en avait une magnifique dans la pièce où je me trouvais et elle dégageait une chaleur extraordinaire grâce au mélange de nombreux matériaux : 200 à 300 laines différentes, du coton, de la soie, des fils d'argent, des fils d'or, du chinchilla, du mohair, du cachemire, des fils métalliques...Je me suis rendu compte qu'une tapisserie n'est pas plate comme un tableau : c'est grand, ça bouge, il y a du relief. J'ai eu envie d'en réaliser une.



L'amie qui m'avait convié à ce dîner m'a alors présenté les lissiers qui avaient tissé la tapisserie contemporaine que j'avais admirée pendant toute la soirée. Avec Frédérique Bachellerie et Peter Schönwald, d'origine hongroise et fondateurs de l'atelier A 3 à Paris, le courant est vite passé. Depuis 1972, ils ont créé plus de 700 tapisseries originales en partant d'un tableau et en associant son auteur à leur travail. Ils ont ainsi vécu cette aventure avec Man Ray, Alechinsky, Arman, Cathelin, Boncompain...

Ensemble, nous avons d'abord réalisé la tapisserie représentant sept silhouettes autour de l'Eucharistie qui est un hommage aux sept moines assassinés de Tibhirine. Cette tapisserie a notamment été exposée à Versailles et elle a été reproduite sur quelque 30 000 cartes. Puis, nous avons fait d'autres tapisseries à partir de mes cartons. Le tissage nécessite quatre ou cinq mois. C'est un travail de titan car il faut parfois mêler quatre ou cinq laines sur un même point.

Le vitrail pour édifier la foi

Le vitrail est un exercice différent car il faut prendre en compte le jeu de la lumière sur le verre au fil de la journée. Ce travail m'intéresse énormément mais c'est très compliqué. Pour avoir une chance d'être retenu dans l'attribution des vitraux d'une église, il faut respecter le cahier des charges. Une commission, au sein de laquelle siègent le maire de la commune, des représentants du Ministère de la Culture, de la Direction des Arts Plastiques, de la DRAC , de la commission « Art sacré » du diocèse, des représentants de la communauté paroissiale, etc... choisit l'artiste. Pour celui-ci, la commande représente des mois de travail et de multiples déplacements sur le site, souvent en présence du maître-verrier. C'est un boulot dantesque qui ne rapporte pas grande chose, mais c'est passionnant.

Les vitraux sont une chance pour édifier la foi de ceux qui entrent dans une église. Se joue là une vraie possibilité de transmettre quelque chose. Et ce quelque chose, c'est clairement la Bonne Nouvelle. Celui qui est habité par Jésus-Christ ne veut pas le garder pour lui tout seul. Son enthousiasme est communicatif. Je me bats avec les vitraux pour crier à nos contemporains : « Il est plus facile, à mon avis, de vivre en chrétien que dans l'errance. Cherchez Jésus ! ».

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Malel: Atelier A 3, 7 impasse Charles Petit - 75011 - PARIS, www.malel.com